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Dans une situation d’urgence sanitaire, les populations ont besoin de communications claires et accessibles pour agir et se protéger. Cependant, une méconnaissance des réalités linguistiques peut nuire à la portée et à l’efficacité de la réponse. Comme l’ont montré les enseignements tirés des réponses aux épidémies de COVID-19 et d’Ebola, les barrières linguistiques et de communication :

  • réduisent l’accès à l’information et aux services pour les groupes déjà vulnérables ;
  • nuisent à la confiance des membres de la communauté envers les professionnels de la santé et les éducateurs sanitaires ; 
  • réduisent la compréhension des conseils sur les mesures recommandées, telles que se faire vacciner ou consulter un médecin ;
  • aggravent la propagation des rumeurs et de la désinformation ;
  • augmentent la charge de travail du personnel sur le terrain dans les environnements plurilingues.

Ce document propose des recommandations pratiques afin d’aider les pouvoirs publics et le personnel humanitaire à atténuer les effets des contraintes linguistiques lorsqu’ils communiquent avec les communautés à risque ou touchées par une épidémie de mpox.



Montage Mpox basé sur une photo de Gustavo Fring via Pexels.

 

Intégrer les données sur l’utilisation de la langue dans la planification de la communication

  • La plupart des pays touchés par cette épidémie présentent une grande diversité linguistique. La République démocratique du Congo (RDC) regroupe la majorité des cas signalés. Les langues nationales et officielles de la RDC sont souvent mal comprises au niveau local. Les populations de la RDC pour lesquelles le swahili est la première ou deuxième langue parlent le swahili congolais ; l’information en swahili standard (côtier) est difficilement accessible aux locuteurs du swahili congolais.
  • Il n’est ni possible ni pratique de couvrir toutes les langues préférées, mais le fait de se limiter aux langues dominantes exclut les plus vulnérables. Les données sur l’utilisation de la langue peuvent aider à identifier les populations que la communication dans une langue donnée permettra ou non d’atteindre. Elles peuvent également aider à déterminer les cas où des choix de langues et de formats stratégiques peuvent améliorer l’accès à l’information dans la seconde langue des populations.
  • Les données sur l’utilisation de la langue peuvent soutenir une approche contextualisée de la communication. Les caractéristiques de ces épidémies varient selon les régions et les clades (types du virus). Certains pays signalent des cas pour la première fois, tandis que dans d’autres, la mpox est endémique. La communication doit être adaptée aux connaissances existantes.

 

Les organisations peuvent prendre les mesures suivantes : 

  • Consulter les données sur l’utilisation de la langue (qui parle quoi, où) lorsqu’elles existent ; explorer les cartes linguistiques de CLEAR Global et les données sur l’utilisation des langues dans certains pays touchés par l’épidémie ; explorer les données spécifiques à la RDC
  • Lorsque l’information est obsolète ou que les personnes touchées sont susceptibles de présenter une grande diversité linguistique (communautés transfrontalières, populations déplacées, grande diversité ethnique, tribale ou clanique, etc.), collecter des données sur les préférences linguistiques des populations ; au minimum, poser la question « Quelle est la principale langue que vous utilisez à la maison ? ».
  • Comparer les données sur l’utilisation de la langue avec les données sur les lieux d’éclosion de l’épidémie pour aider à évaluer la portée de la communication. 
  • Partager les données sur l’utilisation de la langue, ainsi que les analyses connexes, entre les organisations qui participent à la réponse. 
  • Être conscient qu’il n’est ni raisonnable ni réaliste de supposer que le personnel local ou les membres de la communauté comprennent toute la gamme des préférences linguistiques d’une communauté.

 

Privilégier une communication simplifiée dans un langage clair

  • La rédaction de l’information en langage clair peut améliorer considérablement la compréhension, notamment pour les personnes qui ne parlent pas couramment la langue ou qui ne sont pas des spécialistes de la santé. Cette mesure améliore également l’exactitude des traductions, en particulier lorsque les personnes traduisent ou interprètent sur-le-champ.
  • Des termes considérés comme faciles à comprendre peuvent encore prêter à confusion dans certaines langues ou pour certains groupes. En RDC, des tests de compréhension de la terminologie Ebola en français et en swahili standard ont révélé que même des termes simples comme vaccin, formulaire, consentement et sanglant n’étaient pas clairs. Des tests de matériel de sensibilisation à la vaccination auprès de locuteurs de différents dialectes somaliens ont montré que des termes comme virus, fièvre, vaccin, symptôme et isolation peuvent ne pas être correctement compris. 
  • Au-delà des problèmes de compréhension, les termes peu clairs risquent  d’aggraver profondément la méfiance et la peur envers les professionnels de la santé. Ils alimentent la désinformation qui porte préjudice, et ont une grave incidence sur la volonté des populations de se faire soigner. 
  • La sensibilisation aux questions linguistiques soutient le rôle vital des éducateurs locaux. Les radiodiffuseurs, les écoles, les groupes religieux et autres acteurs communautaires traduisent souvent « à vue » (sur-le-champ) des informations officielles dans les langues de la communauté. Toutefois, ils peuvent avoir du mal à les comprendre et à les relayer avec précision, ce qui augmente le risque de désinformation pour la communauté.
  • La sensibilisation aux langues peut améliorer considérablement la compréhension et l’adoption de mesures telles que la vaccination. Les populations sont plus susceptibles de faire confiance aux vaccins lorsqu’elles reçoivent des informations et peuvent poser des questions dans une langue qu’elles utilisent couramment. En général, la confiance est plus élevée chez les personnes qui partagent une langue natale.
  • La communication visuelle peut être utile pour se faire comprendre au-delà des barrières linguistiques, mais elle n’est pas universellement comprise. Les couleurs, la disposition, les symboles, les vêtements et les visages, les arrière-plans et autres éléments visuels sont interprétés différemment selon les langues et les groupes de population, et peuvent conduire à la confusion et à l’incompréhension.
  • Une mauvaise communication peut aggraver la stigmatisation existante autour de la mpox. Elle risque de renforcer la désinformation, comme la perception selon laquelle la mpox ne se propage que par contact sexuel.
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Les organisations peuvent prendre les mesures suivantes :

  • Rédiger en langage clair l’information destinée aux communautés et aux éducateurs locaux.
  • Lorsque cela est possible, procéder à un essai des ressources de communication sur les risques, et tester tous les termes utilisés ; même si une traduction complète n’est pas prévue, inclure différentes communautés linguistiques dans les tests pour déterminer dans quelle mesure les ressources peuvent être comprises dans une deuxième ou une troisième langue, ou lorsque les populations ne peuvent comprendre que des phrases simples ; utiliser cet apprentissage pour recenser les lacunes critiques dans la fourniture de l’information.
  • Dans les milieux multilingues (par exemple, les camps de réfugiés), fournir aux éducateurs et professionnels de la santé des supports linguistiques pratiques, tels que des glossaires de termes clés ou des aides visuelles.
  • En l’absence de linguistes professionnels, fournir aux personnes ayant des compétences linguistiques pertinentes une formation de base sur l’interprétation pour faciliter la communication plurilingue.

 

Traiter les problèmes linguistiques et de communication de groupes spécifiques

  • Le taux d’infection et de transmission chez les enfants est plus élevé que lors des épidémies précédentes de mpox, d’où l’importance d’une communication adaptée aux enfants. Certains documents destinés à ces derniers existent, mais peuvent ne pas être disponibles dans les langues pertinentes. Les parents et tuteurs ont besoin d’informations claires et accessibles pour pouvoir apprendre aux enfants à prévenir la transmission et reconnaître les symptômes. 
  • Les travailleurs du sexe ont besoin d’informations claires et adaptées pour les aider à comprendre comment se protéger. La stigmatisation et la discrimination préexistantes aggravent les contraintes linguistiques et de communication pour les travailleurs du sexe, qui peuvent se méfier des informations officielles ou y avoir un accès limité. 
  • Les communautés transfrontalières, déplacées internes et réfugiées présentent une certaine diversité linguistique. Ces populations peuvent préférer recevoir les informations écrites dans une langue et les informations orales dans une autre, selon la façon dont elles ont accédé à l’enseignement ou appris les langues des communautés d’accueil. Les professionnels de la santé peuvent ne pas parler (toutes) les langues pertinentes des personnes affectées dans ces contextes. 

 

Les organisations peuvent prendre les mesures suivantes :

  • Privilégier la communication orale ou en personne, en particulier pour cibler les femmes et les groupes ayant un faible niveau d’alphabétisation ou un faible accès à l’éducation.
  • Lorsqu’il existe un budget pour le soutien linguistique (par exemple, la traduction), prendre en compte l’exclusion linguistique dans la planification en même temps que les autres vulnérabilités pour allouer les ressources aux personnes les plus à risque. 
  • Mettre à l’essai des ressources auprès d’enfants de différents groupes d’âge, et leurs parents ou tuteurs ; inclure des locuteurs de différentes langues pour identifier qui comprendra ou acceptera les ressources et qui ne les comprendra pas ou ne les acceptera pas. 
  • Se concerter avec les organisations de personnes handicapées sur les formats de communication accessibles.
  • Lors de la communication avec les travailleurs du sexe et d’autres groupes à risque de discrimination et de marginalisation, garder à l’esprit le rôle de la langue dans la promotion de la confiance et la lutte contre la stigmatisation. 
  • Surveiller la portée et l’adoption des mesures de santé publique en fonction de la langue et d’autres données démographiques (genre, âge, handicap, niveau d’études) afin de repérer les cas où la langue peut aggraver l’exclusion de certains groupes. 

 

Comment CLEAR Global peut vous aider

La mission de CLEAR Global est d’aider les populations à accéder à des informations vitales et à se faire entendre, quelle que soit leur langue. Nous aidons nos organisations partenaires à écouter et à communiquer efficacement avec les communautés qu’elles servent. Nous traduisons des messages et des documents dans les langues locales, fournissons les traductions audio et les informations illustrées, formons le personnel et les bénévoles, et conseillons sur la communication bidirectionnelle. Nous travaillons également avec des partenaires sur le terrain pour tester et réviser les supports de communication afin d’en améliorer la compréhension et l’impact, et pour développer des solutions de technologie linguistique adaptées aux besoins des communautés. Ce travail s’appuie sur la recherche, la cartographie linguistique et l’évaluation des besoins en communication des populations cibles.

Nous proposons également des formations pour promouvoir l’efficacité de la communication humanitaire (les sujets comprennent l’interprétation humanitaire, la communication en situation d’urgence et le langage clair). Pour en savoir plus, consultez notre site Internet ou contactez-nous à l’adresse info@clearglobal.org.